Hommage à Guy Imbert
C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de notre ami Guy Imbert survenu en ce début du mois d’août 2023 à l'hôpital Saint Joseph de Marseille. Il avait 84 ans.
Membre clé du Laboratoire de Physiologie des Hautes Pressions du Centre d’Etudes Marines avancées de l’équipe Cousteau, scientifique engagé, passionné de l’histoire de sa discipline, rêveur invétéré toujours en train de formuler de nouvelles idées, Guy Imbert était une personnalité bien trempée qu’on n’oublie pas.
Né le 24 juillet 1939 à Salon de Provence, Guy est un provençal pur sucre, de ceux que dessine de ses mots Marcel Pagnol, farouche ambassadeur de l’étang de Berre, de la ville de Rognac où il vécut, et de la métropole marseillaise.
Il était fasciné par les plongeurs de la Calypso, lui qui, scientifique de la plongée de rang mondial, n’avait pourtant pas à rougir de son parcours. Après des études secondaires à l’Université, il sort diplômé d’une Maitrise en Biologie structurale et dynamique en 1966, et admirateur des travaux de l’équipe Cousteau, il est recruté en 1967 par Jean Mollard, alors Directeur de l’Office Français de Recherches Sous-marine (OFRS) de Cousteau, pour travailler aux côtés du Professeur Chouteau dans le Laboratoire de Physiologie des Hautes Pressions. L’équipe Cousteau vient de terminer avec brio les expériences de maisons sous la mer Précontinent 1, 2 et 3 et poursuit des recherches dans le domaine de la physiologie hyperbare. L’OFRS est rebaptisé Centre d’Etudes Marines Avancées (CEMA). Guy prend part aux expériences de plongée profonde en caisson menées sur des boucs et des moutons ainsi que sur des expériences avec plongeurs, jusqu’à la fin du CEMA en 1972. Il entre au CNRS en 1973 comme attaché de recherches et obtient son diplôme d’études approfondies de physiologie respiratoire en 1975. Il soutient une thèse de doctorat en 1981 et effectue un post doctorat aux Etats-Unis au Naval Medical Research Institute de Washington puis devient auditeur de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale à Toulon en 1984.
Guy Imbert mène alors une carrière scientifique de premier plan dans la physiologie de la plongée, mis à disposition de l’US Navy de 1988 à 1992, sous l’égide de l’accord de coopération scientifique de l’O.T.A.N., il est ensuite détaché à la Comex (Marseille) de 1984 à 1988 pour le développement de la plongée à l’hydrogène, prenant part au record mondial des plongeurs de la Marine nationale et de la Comex à -534 m. Il devient Directeur de recherche au CNRS en 1991, jusqu’en 2007, années durant lesquelles il participe à diverses Commissions et Comités d’interventions humaines sous-marines et d’océanologie.
Mais la vie et l’engagement de Guy Imbert ne se réduit pas à une carrière professionnelle brillante.
Citoyen engagé, il est élu de la ville de Rognac, conseiller municipal délégué à l’environnement de 1995 à 2001, et Vice-président du Syndicat intercommunal de sauvegarde de l’étang de Berre.
Son amour de la mer et de la vie trouve un autre cheval de bataille. Un projet fou qu’il baptise le Delphinorove. Il avait en horreur la captivité des mammifères marins et rêvaient d’un centre pour ex-dauphins captifs rendus à une vie libre, ou aussi autonome que possible. Le canal du Rove, le long de son cher étang de Berre, en aurait fourni le plan d’eau idéal. Poussant très loin la faisabilité de son idée, donnant de son temps sans compter, organisant des colloques d’élus politiques, de scientifiques et d’associations, il défend son projet avec force durant des années.
2012 – Guy avec ses amis de l’équipe Cousteau : Paul Zuena, Clément Manadkjian, Octave Léandri © Photo Franck Machu
Il reste jusqu’au bout un défenseur acharné du sous-marin SAGA, projet de sous-marin/maison sous la mer autonome et mobile imaginé et lancé par Jacques-Yves Cousteau en 1968 sous le nom d’Argyronète, et terminé par la COMEX sous la direction de Jean Mollard. Guy prend part aux opérations de validation de ce « plus grand sous-marin civil du monde », réussissant à l'extrémité de l'émissaire de Monaco un posé sur le fond de la mer et une saturation par -480 mètres, avec une sortie des plongeurs du sous-marin à -317 mètres. L’ingéniosité démontré du concept et la qualité de sa réalisation ne surent être employées à leur juste valeur et le SAGA reste emprisonné jusqu’à aujourd’hui dans son hangar de construction. Guy ne peut se résoudre de le voir relégué à un prétendu musée marseillais dédié à l’exploration sous-marine. Il fourmille d’idées toutes aussi originales que novatrices, il le voit porte-drapeaux de l’écologie, ou plateforme navigante de plongée à saturation. En inconditionnel de l’esprit et de la philosophie de Jacques-Yves Cousteau, qui n’aurait pas renié la fertilité de son imagination, il rêvait jusqu’à ses derniers jours d’un SAGA doté d’ailes repliées sous son carénage, couvertes de cellules photovoltaïques, et déployées en surface par mer calme pour faire le plein d’énergie dans des accus au lithium-ion.
Certains, qui ne comprenaient pas son enthousiasme et sa propension envahissante à rêver, le croyaient imbu de sa personne. C’est qu’ils n’ont pas su percevoir sa vraie nature, son humilité, son altruisme, son esprit ouvert, et s’il était imbu de quelque chose ce n’était que d’idées neuves. « Tout ce que nous avons connu était si grand, et tous ceux que nous avons connus étaient si grands, pour nous qui n’étions que des petits ! » témoignait-il au décès de Jean Alinat.
2016 : Guy avec les mousses du Commandant Cousteau du Collège de Rognac dont il était très fier ©Photo Franck Machu
En décembre 1971, Yves Omer, plongeur et caméraman sous-marin de la Calypso, est victime d’un accident en caisson à -520 mètres lors d’une des expériences menées au CEMA par le Professeur Chouteau. Guy Imbert accueille Yves et sa famille chez lui pour une longue convalescence, et lui apporte une aide précieuse pour reprendre pied et goût à la vie. Yves lui en est éternellement reconnaissant.
« Voilà un homme qui a dévoué sa vie à la science avec un cœur, une intelligence et un talent inouïs ! Sa passion magnifique lui a valu bien de cruelles injustices de jaloux qui ne lui arrivent pas à la cheville ! Il restera pour toujours dans mon cœur et dans ma mémoire » exprime avec émotion Francine Cousteau à l’annonce de sa mort.
« Changeons les paradigmes ! » aimait-il apposer en bas de ses courriers.
Guy n’a pas fini d’inspirer ceux qui ont eu la chance de le connaître.
Toutes nos condoléances vont à sa famille et à ses proches.